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Et si nous changions enfin de paradigme ?
Et si, au lieu de raisonner uniquement en termes d’efficacité thérapeutique et de coût, nous adoptions une politique du médicament intégrant la santé humaine, la santé animale et celle des écosystèmes ? Cette vision globale, celle du One Health, n’est plus une utopie mais une urgence.
Nous avons la chance de bénéficier d’une industrie pharmaceutique puissante, innovante, capable de miracles scientifiques. La France y joue un rôle majeur et ambitionne de le renforcer. Mais cette force doit désormais s’ancrer dans une dynamique de responsabilité. Car le médicament, outil de soin par excellence, peut aussi être source de pollution, de gaspillage, de iatrogénie et de risques sanitaires planétaires.
L’ombre des effets secondaires : la iatrogénie
Les médicaments sauvent des vies. Mais ils peuvent aussi en altérer. Le rapport IATROSTAT 2022 du RFCRPV révèle l’ampleur du phénomène : près de 10 % des hospitalisations seraient dues à des effets indésirables médicamenteux. Certains évitables. D’autres liés à des prescriptions redondantes, mal ajustées ou à une méconnaissance des interactions.
Ce coût humain s’accompagne d’un coût environnemental encore trop peu pris en compte.
Des rivières aux océans : les résidus médicamenteux partout
Une étude relayée par National Geographic révèle que la quasi-totalité des rivières mondiales contiennent des traces de médicaments, parfois à des niveaux préoccupants. Antidépresseurs, hormones, antibiotiques… Ces résidus affectent la reproduction des poissons, perturbent les écosystèmes aquatiques et créent des chaînes d’effets que nous commençons à peine à comprendre.
Un ennemi invisible : les bactéries multi-résistantes
Chaque prescription inutile ou mal adaptée d’antibiotiques alimente un monstre silencieux : la résistance bactérienne. L’OMS classe ce phénomène parmi les 10 principales menaces mondiales pour la santé. En France, 12 500 décès par an lui seraient imputables. À l’échelle mondiale, ce chiffre pourrait atteindre 10 millions par an d’ici 2050 si rien ne change.
Les résidus antibiotiques dans les eaux usées ou les sols agricoles amplifient ce phénomène, créant un risque pour l’ensemble du vivant.
Le bon médicament au bon moment, mais aussi au bon format environnemental
Le médicament doit s’adapter à l’urgence climatique. Une étude publiée dans The Lancet Oncology par l’Université du Michigan propose un exemple éclairant. En administrant un traitement d’immunothérapie contre le cancer toutes les 6 semaines au lieu de 3, à dose ajustée, on obtient :
- la même efficacité thérapeutique,
- une meilleure qualité de vie pour les patients,
- et une réduction des émissions de CO₂ de 200 tonnes par an (sur un seul groupe de patients étudiés).
15 000 perfusions évitées. 15 000 consultations évitées. Et autant de préparations et déchets médicaux non produits.
L’impact environnemental de nos pratiques médicales doit désormais peser dans les décisions cliniques. Cette approche n’est pas un renoncement à la qualité des soins : c’est une voie d’excellence intégrée.
Vers un éco-score du médicament ?
Pour avancer, la France pourrait s’inspirer de l’indice PBT suédois, qui évalue la Persistance, la Bioaccumulation et la Toxicité d’un médicament dans l’environnement. Cette pharmacopée verte permet d’aider les prescripteurs à faire des choix plus éclairés lorsque plusieurs molécules sont disponibles pour une même pathologie.
L’idée d’un éco-score du médicament gagne du terrain. Il s’agirait d’indiquer clairement aux professionnels (et pourquoi pas aux patients) l’impact environnemental d’un traitement, au même titre que son efficacité ou ses effets secondaires.
Et si on commençait aussi par moins gâcher ?
Le paradoxe est qu’en plus… nous, Français, jetons chaque année plus de 10 000 tonnes de médicaments périmés, sans même compter ceux issus des cliniques, hôpitaux ou pharmacies. Un gaspillage colossal, à la fois économique, sanitaire et écologique.
Il est certainement temps de développer des applications citoyennes pour savoir à tout moment ce que contient notre armoire à pharmacie, afin de :
- éviter les prescriptions inutiles,
- favoriser les prescriptions unitaires,
et de limiter les délais de péremption trop courts et injustifiés, et repenser les formes galéniques : combien de demi-cachets sont administrés, et combien de moitiés sont systématiquement jetées ?
Changer de politique du médicament, ce n’est pas affaiblir notre système de santé. C’est le rendre plus juste, plus sobre, plus durable. Et donc plus fort.
Dans une logique One Health, il ne peut plus y avoir de médicament efficace s’il nuit à ce qui nous maintient tous en vie : les écosystèmes qui nous entourent.
Agir maintenant, ensemble
Il est temps de poser les bases d’une politique du médicament responsable, éthique et durable. Cela implique :
- de mieux former les soignants à la prescription raisonnée,
- de soutenir l’innovation industrielle orientée vers des formulations écoresponsables,
- de renforcer le recyclage et la collecte des médicaments non utilisés,
- et de financer la recherche interdisciplinaire sur les impacts du médicament sur la planète.
La santé humaine ne peut plus être dissociée de celle des sols, de l’air, de l’eau et des autres espèces. En repensant nos pratiques pharmaceutiques à l’aune de cette interdépendance, nous agirons à la fois pour soigner aujourd’hui et protéger demain.
Olivier TOMA
Fondateur de Primum Non Nocere®